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Affaire Soral : première condamnation pour incitation à la haine en raison de l’orientation sexuelle

Est constitutif d’une incitation à la haine (art. 261bis par. 1 CP) le fait de qualifier, dans une vidéo sur Internet, une journaliste de « militante queer » (dans le sens de désaxée) et de « grosse lesbienne militante pour les migrants ». Au vu des termes choisis, il ne fait pas de doute que le recourant se réfère à l’orientation sexuelle de la journaliste, soit une caractéristique protégée par l’art. 261bis CP depuis sa modification en 2020. Les termes lesbienne et queer ne sont pas utilisés dans un contexte neutre, mais dans un discours rabaissant et déshumanisant, incitant à mépriser la journaliste et l’ensemble des personnes homosexuelles en raison de leur orientation sexuelle.

Affaire Platini/Blatter : récusation de l’ensemble de la Cour d’appel du TPF

Une apparence objective de partialité doit être retenue à l’encontre de l’ensemble des membres de l’autorité d’appel lorsque son propre président, récusé d’office, a été entendu comme témoin en première instance sur un point de fait contesté par les parties, et sur lequel l’instruction en seconde instance risque de porter. Cela vaut d’autant plus si les déclarations de ce président faisaient parallèlement l’objet d’une instruction pénale pour faux témoignage au moment du dépôt de la demande de récusation. En pareilles circonstances, l’impartialité et l’indépendance requises ne sont pas données, en particulier sous l’angle de la libre appréciation des preuves du tribunal.

L’interdiction de prononcer une mesure trop clémente qui suspend l’exécution d’une longue peine privative de liberté

Une mesure thérapeutique institutionnelle ne peut être ordonnée qu’à titre exceptionnel lorsque sa durée est inférieure aux deux tiers de la durée d’exécution de la longue peine privative de liberté qu’elle suspend, à défaut de quoi un traitement ambulatoire accompagnant l’exécution de la peine doit lui être préféré, en application du principe de proportionnalité. Un individu âgé de 27 ans, condamné à 14 années et demie d’emprisonnement, ne peut par conséquent être mis au bénéfice d’une mesure pour jeune adulte (art. 61 CP), car cette dernière lui aurait permis, en cas de succès, d’être relâché deux ans avant qu’une libération conditionnelle n’entre en considération dans le cadre de l’exécution de sa peine privative de liberté.

Fiction de retrait de l’opposition et prévenu à l’étranger

Les autorités pénales suisses peuvent certes adresser une citation à comparaître au prévenu se trouvant à l’étranger, mais elles ne peuvent toutefois pas l’assortir de menaces de contrainte. La citation à comparaître constitue donc une invitation dans la procédure en cause. La fiction de retrait de l’opposition au sens de l’art. 356 al. 4 CPP ne s’applique que si l’ensemble du comportement de l’intéressé permet de conclure qu’il renonce sciemment, par son désintérêt pour la suite de la procédure, à la protection juridique à laquelle il a droit. Une telle renonciation suppose une connaissance des conséquences qui s’y rattachent.

Notification d’une ordonnance pénale par voie édictale contre un prévenu placé en détention provisoire

La notification d’une ordonnance pénale par publication dans la Feuille d’avis officielle (art. 88 CPP) alors que le prévenu se trouve en détention provisoire constitue une irrégularité, mais pas un motif de nullité de la décision. Le vice ne doit entraîner aucun préjudice pour le prévenu, qui peut dès lors former opposition à l’ordonnance pénale dès qu’il a pu en prendre connaissance. Dans ce cadre, il reste tenu de se conformer au principe de la bonne foi, sous peine de se voir opposer l’irrecevabilité de son moyen pour cause de tardiveté.

Visites intimes en détention : un droit réservé aux personnes détenues pouvant justifier de relations stables et durables

Il est conforme au droit constitutionnel et au droit conventionnel, notamment au droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH), de refuser, sur la base d’un règlement cantonal, une visite intime à un détenu qui ne peut justifier d’une relation stable et durable avec sa partenaire libre. Cette double condition de stabilité et de durabilité répond à la logique voulant que les visites (comme moyen de conserver des relations avec le monde extérieur selon l’art. 84 CP) visent le maintien de liens affectifs étroits entre proches.

L’exploitabilité des preuves recueillies lors d’une perquisition illégale d’un téléphone portable

Dans le cadre de l’analyse de l’existence de sérieux soupçons de culpabilité justifiant une détention provisoire, les preuves recueillies lors d’une perquisition illégale d’un téléphone, de même que les preuves dérivées, ne sont, dans le cas d’espèce, pas manifestement inexploitables. Il appartiendra au juge du fond de procéder à la pesée des intérêts conformément à l’art. 141 al. 2 CPP.

Appréciation arbitraire des faits s’agissant de l’existence d’une contrainte et de la réalisation de l’élément constitutif subjectif dans le cas d’un viol

Il est arbitraire de nier l’intention de l’auteur qui a initié une relation sexuelle avec une personne après que celle-ci lui a signifié verbalement son refus à une reprise au moins. L’auteur qui, après le refus de la victime, s’obstine, la déshabille, lui tient les épaules et s’appuie sur sa poitrine pour se saisir d’un préservatif exerce une pression et une emprise physiques suffisantes pour constituer une contrainte au sens de l’art. 190 CP.

L’indemnisation d’une détention injustifiée devant les Tribunaux suisses lorsque la CourEDH a déjà alloué une satisfaction équitable

Lorsque la CourEDH a accordé une satisfaction équitable (art. 41 CEDH) suite au constat de la violation de la CEDH, le requérant ne peut, indépendamment du dédommagement déjà alloué, prétendre à une indemnisation supplémentaire dans le cadre de la procédure de révision subséquente devant le Tribunal fédéral. En effet, une base légale en ce sens fait défaut en droit suisse. Le recours d’une personne qui réclamait, en sus de l’indemnité de € 40’000.- allouée par la Cour, plusieurs centaines de milliers de francs pour sa détention injustifiée entre 2010 et 2022, est ainsi rejeté.

Entraide judiciaire pénale avec le Brésil : la Suisse ordonne la restitution de USD 16 millions

Dans le cadre d’une demande d’entraide du Brésil à la Suisse portant sur la remise de documentation bancaire et de fonds à hauteur de USD 16 millions (art. 74a EIMP), le Tribunal fédéral laisse ouverte la question de la possibilité pour une personne morale d’invoquer la clause de l’ordre public de l’art. 2 EIMP. Par ailleurs, le jugement brésilien sur lequel repose la demande de confiscation est clair, définitif et exécutoire. Toute question matérielle y relative n’est donc pas recevable devant les autorités suisses. Enfin, la durée du séquestre de 22 ans n’a pas été considérée comme excessive par le Tribunal fédéral au vu de l’ampleur de la procédure.